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Godard/Zorn : Montage(s), réflexions sur quelques enjeux esthétiques de la modernité


Godard/Zorn : Editing(s), thoughts on a few aesthetic issues of modernity

Raphaël Szöllösy


Résumé


John Zorn et Jean-Luc Godard : deux figures dont la présence au sein du champ de leur(s) art(s) respectif(s) est aussi forte et marquante que singulière. La collision des deux noms nous permet ici de réfléchir à la notion de « modernité » à travers le prisme de celle de « montage », constitutive de l’expérience esthétique dont témoignent les œuvres de l’un comme de l’autre. C’est d’abord en situant l’idée de « moderne » par l’intermédiaire de Walter Benjamin, d’Ernst Bloch et d’Aby Warburg que l’on aiguise notre proposition de lecture. Ces penseurs nous permettent en effet de considérer le montage comme une « méthode » pour appréhender le monde, qui nous semble être celle employée par les deux individualités artistiques qui nous intéressent. Ainsi, à partir de l’analyse de certains moments de leurs œuvres (une scène des Carabiniers de Godard, le morceau « Speedfreaks » de Zorn ou sa manière de composer la pièce « Godard »), on envisagera, en guise de conclusion ouverte, les protagonistes de notre article en tant qu’historiens empreints des formes modernes.


John Zorn and Jean-Luc Godard : these two figures’ presence within their respective artistic fields is as strong and striking as it is singular. The encounter of these two names allows us to think the notion of « modernity » through the prism of the notion of « montage », which is essential to the aesthetic experience offered by both works. W. Benjamin, E. Bloch and A. Warburg’s ideas of « modern » directs our analysis proposal. Indeed, they allow us to consider the « montage » technique as a « method » to apprehend the world, method that seems to be used by both Zorn and Godard. From the analysis of a few moments in their works (a scene from “Les Carabiniers” by Godard and “Speedfreaks” by Zorn or the way he composed the “Godard” piece), we will consider them in an open conclusion, as historians marked with modern forms.



Texte intégral



Ainsi il va, il court, il cherche. Que cherche-t-il ? À coup sûr, cet homme, tel que je l’ai dépeint, ce solitaire doué d’une imagination active, toujours voyageant à travers le grand désert d’hommes, a un but plus élevé que celui d’un pur flâneur, un but plus général, autre que le plaisir fugitif de la circonstance. Il cherche ce quelque chose qu’on nous permettra d’appeler la modernité ; car il ne se présente pas de meilleur mot pour exprimer l’idée en question. Il s’agit, pour lui, de dégager de la mode ce qu’elle peut contenir de poétique dans l’historique, de tirer l’éternel du transitoire.
Charles Baudelaire [1]

Lorsque, depuis nos temps contemporains, nous voyons les œuvres de Constantin Guys, à qui le fameux texte du poète du spleen parisien est dédié, il nous semble qu’apparaissent encore les mouvements d’un monde en pleine effervescence : les traits de crayon griffant hauts-de-forme, calèches et gestuelles faisant virevolter les robes bariolées, se mêlent à la fluidité liquide de l’aquarelle dépeignant les sensations de la ville et son activité (voir Fig. 1). À partir du travail de l’artiste, Charles Baudelaire aura dressé un portrait plus vaste d’une notion fondamentale, et qui nous intéresse particulièrement ici : celle de modernité. Des peintures qui nous font parvenir l’imaginaire du dix-neuvième siècle, faisant par ailleurs écho à certaines images des frères Lumière, il aura saisi les thématiques de la foule et du flâneur solitaire (joliment dialectisées dans une expression empruntée à Chateaubriand, « le vaste désert d’hommes [2] ») autant que le témoignage d’une certaine énergie citadine, d’une « imagination active » soumise au voyage, à la vitesse, à la quête de quelque chose se situant entre deux modalités temporelles – rythmiques, oserait-on dire – « l’éternel » et le « transitoire ».

Fig 1 : Constantin Guys, 1802–1892 : L’Avenue des Champs-Élysées, voitures et promeneurs.
Aquarelle sur papier. Musée Carnavalet, Paris. En ligne ici

Voilà deux termes qui semblent appropriés pour l’exercice opéré ici : à la manière de Baudelaire sur Guys, le commentaire esthétique opéré par John Zorn sur Jean-Luc Godard nous semble apte à servir de levier théorique pour problématiser la notion même de cette catégorie de pensée qu’est la modernité. La composition éponyme du musicien à l’œuvre monstre et protéiforme, par la quantité, la diversité, la densité et la richesse de sa création, est à l’origine une commande de Jean Rochard, qui, après avoir découvert le disque « Locus Solus » et « le côté collage de sa musique, son esthétique du fragment, cette référence constante au cinéma dans sa façon de monter les séquences [3] » lui proposa, de façon « évidente », selon ses termes, de participer au disque collectif Godard, Ça vous chante ? (Nato, 1985). La pièce d’une durée avoisinant les dix-huit minutes, explosant au passage les contraintes de la demande qui précisait un encadrement de trois à six, cristallise « de façon hyper-cohérente tout ce que sa musique devait à une certaine modernité cinématographique dans son art du montage [4] ». Ainsi, le mot est lancé, c’est bien le « montage » qui occupe la place centrale de notre propos, comme il semble être crucial pour réfléchir l’œuvre du compositeur, que l’on peut considérer dans son ensemble marquée par cette notion : le morceau dédié au réalisateur est bien à voir comme symptôme d’une pratique qui traverse sa musique en général.

De la même façon que John Zorn, travaillant par ses moyens d’expression le « sujet » Godard, on étudiera ici l’œuvre du musicien par les moyens théoriques dont dispose le cinéma, dans un jeu de « miroitement » nous permettant de creuser ce que pourraient être les enjeux esthétiques d’une « modernité », qui nous semble à certains égards pouvoir conserver le potentiel de son « choc » y compris dans notre situation contemporaine : le mot est bien ici à entendre avec Walter Benjamin, l’un des noms rendant possible la considération du montage comme paradigme. Godard/Zorn se « réfléchissent » donc mutuellement comme lorsque l’on évoque les reflets d’un miroir que l’on tente d’orienter vers le prisme d’une interrogation sur l’idée d’être « moderne ».

 Montage : paradigme esthétique de la modernité ?

Mais de quoi se compose ce terme ? Précisément d’une hétérogénéité ontologique qui n’a d’égale que la multiplicité des domaines auquel il peut s’associer ; peinture, jazz ou cinéma, chacun de ces espaces réfléchit singulièrement à ce qui définit sa modernité, et à l’intérieur d’eux se déploient de nombreuses considérations possiblement contradictoires. Aussi pourrait-on appréhender la notion avec la philosophie politique d’Hannah Arendt et sa réflexion sur la Vita activa d’un âge moderne dont le « seuil » est dominé par trois événements – la découverte de l’Amérique et l’exploration du globe, la Réforme et l’« accumulation de la richesse sociale » par « l’expropriation des biens ecclésiastiques », l’invention du télescope et « l’avènement d’une science nouvelle qui considère la nature terrestre du point de vue de l’univers [5] » caractéristiques d’une force de découvertes, d’un désir de renouvellement qu’il serait truculent d’adapter au contexte du jazz (avec comme possible points de correspondance : la (re)découverte du continent africain par les jazzmen américains, l’ « expropriation des biens » d’un certain conformisme embourgeoisé par le bop jusqu’au free en faveur d’une richesse politique et esthétique, les nouvelles réflexions harmoniques, du modal jusqu’à l’atonal, et la prise de liberté sur les structures de composition comme science nouvelle… [6]). Et tout autant, pourrait-on faire valoir la célèbre maxime de Pasolini, notamment professée par Orson Welles dans La Ricotta (1963) : « Plus modernes que tous les modernes, je suis une force du passé ». Sans se détacher fondamentalement d’aucun de ces deux pôles, c’est en particulier avec trois penseurs allemands, Walter Benjamin, Ernst Bloch et Aby Warburg, dont les conceptions autant que les expériences de vie résonnent à de nombreux égards, que l’on tente de saisir ici ce que cette notion peut avoir en commun avec celle de « montage », avant de la situer plus directement dans l’histoire du cinéma, en vue de travailler notre proposition de croisement entre John Zorn et Jean-Luc Godard.

À propos de Baudelaire, revenant sur sa considération de la foule et de la ville, Benjamin livre ces mots : « Il a indiqué le prix qu’il faut payer pour accéder à la sensation de la modernité : la destruction de l’aura dans l’expérience vécue du choc [7] ». Le diagnostic est des plus intéressants car ce sont très exactement les mots employés dans son essai crucial, L’œuvre d’art à l’époque de la reproductibilité technique (dont la dernière version date de 1939), au sein duquel il affirmait le déclin de l’âge du culte et de la contemplation en faveur de la puissance de dislocation et de réappropriation du monde rendue possible par la machine, prenant toute son ampleur à travers l’appareil cinématographique : ainsi, rapprochant l’acte du cameraman à celui du chirurgien, il comparait la « globalité » de l’image du peintre à celle de l’opérateur du cinéma qui, selon ses termes, « se morcelle en grand nombre de parties, qui se recomposent selon une loi nouvelle [8] » offrant à « l’homme d’aujourd’hui », alors contemporain du texte, des appareils « pour pénétrer, de la façon la plus intensive, au cœur même » du « réel [9] ». On entend déjà là tous les rapprochements possibles avec la technique du montage, qui prend par ailleurs une ampleur d’ordre politique chez l’auteur [10]. Georges Didi-Huberman a montré à de multiples reprises comme celle-ci était d’une part au centre de sa pratique, de manière revendiquée comme lorsqu’il évoquait son Paris, capitale du XIXe siècle  : « Ce travail doit développer à son plus haut degré l’art de citer sans guillemets. La théorie de cet art est en corrélation très étroite avec celle du montage [11] » et d’autre part au cœur de sa philosophie de l’histoire et du temps. Il en est ainsi de sa conception des « images dialectiques » dans lesquelles « L’autrefois rencontre le maintenant », lui apparaissant comme les seules « authentiques ». Produire une telle image ce serait justement « critiquer la modernité (l’oubli de l’aura) par un acte de la mémoire, et c’est en même temps critiquer l’archaïsme (la nostalgie de l’aura) par un acte d’invention, de substitution, de dé-signification essentiellement moderne [12] ». Le « choc » évoqué plus haut, est donc à voir et à entendre comme une collision, à la manière d’une rencontre de deux images ou de deux sons telle qu’opérée par le cinéma, susceptible de témoigner d’une confrontation des temporalités et de susciter une position critique qui semble bien concerner la modernité.

Non loin de Benjamin, c’est au sein d’une « époque qui se putréfie » que le philosophe Ernst Bloch rédige son Héritage de ce temps (1935) et convoque, en quête d’une forme de résistance face aux événements, dans une Allemagne prise en étau entre la défaite de la Première Guerre et l’aube terrible de la Seconde qui vient alors de se lever par l’accession au pouvoir du parti nazi, la pensée du montage qui « arrache à la cohérence effondrée et aux multiples relativismes du temps des parties qu’il réunit en figures nouvelles [13] ». Pour l’auteur de L’Esprit de l’Utopie (1918), celle-ci est une forme de contre-attaque possible pour sauver un monde en plein ravage, témoignant envers et contre tout d’une vitalité esthétique. Il s’agit pour lui de ne pas abandonner les noms de Proust, Joyce ou Brecht. « Ici grande est la richesse d’une époque à l’agonie, d’une étonnante époque où le soir et le matin se mêlent dans les années 20 » dit-il, avant de qualifier celle-ci d’un mot résonnant autant avec Baudelaire que Benjamin : « c’est une époque kaléidoscopique [14] ». En effet, alors que le poète français parle d’une Morale de joujou (1853) et que plusieurs textes allemands sont traversés par la question de l’enfance (en particulier son Enfance Berlinoise rédigée entre 1932 et 1933), l’image du jouet en question, servant de métaphore pour décrire un âge moderne en pleine agitation, nous offre un support visuel pour envisager la question du montage. « Car, dans les configurations visuelles toujours “saccadées” du kaléidoscope, se retrouvent une fois de plus le double régime de l’image, la polyrythmie du temps, la fécondité dialectique [15] ». Son « matériau visuel », fait de « bouts d’étoffes effilochées », de « coquillages minuscules » ou de « lambeaux de plumes [16] », convient bien à la notion qui nous est chère ici, jouant fondamentalement avec la juxtaposition d’éléments disparates. Le montage peut donc être considéré comme une position esthétique prise face à une modernité traversée par l’expérience de la destruction, à laquelle répond possiblement la fragmentation du réel que permet la reproductibilité technique. Elle s’affirme également comme méthode de travail lorsque l’on réfléchit avec l’œuvre d’Aby Warburg.

Fig 2 : Aby Warburg, 1866-1929. Planche 27 de l’Atlas Mnémosyne. Images reproduites dans l’ouvrage d’Aby Warburg, L’Atlas Mnémosyne, avec un essai de Roland Recht, textes traduits de l’allemand par Sacha Zilberfarb, L’écarquillé-INHA, 2012. En ligne ici

Tout le principe de son Atlas Mnémosyne, auquel l’historien des images aura consacré son temps de 1924 jusqu’à sa mort le 26 octobre 1929, repose sur une pratique active du montage (voir Fig. 2). Rapprocher les éléments, les motifs, les détails ornant des œuvres traversant de nombreux espaces temporels implique une attention minutieuse en faveur d’une patiente et épaisse construction de la mémoire de l’humanité. On sait comme le traumatisme de la Première Guerre mondiale a pu affecter Warburg, tissant l’entrelacs d’une folie passagère [17] : l’inscription de son nom aux côtés de ceux de Benjamin et de Bloch n’est pas fortuite. L’Atlas se lit et se voit dès lors à la fois comme symptôme visuel et comme outil d’appréhension d’un monde secoué, éclaté, disloqué. C’est une manière de voir ce monde autant qu’une forme donnée pour le représenter ; voilà ce que l’on pourrait désigner par l’idée de « paradigme esthétique ». Et il semble que le projet warburgien touche également à la problématique de la « modernité » si l’on en croit les mots d’Evelyne Pinto, ouvrant les Essais florentins de l’iconologue, en caractérisant le paradoxe d’un auteur qui « passera allégrement par-dessus » la notion : « non seulement il inaugure des problèmes et des méthodes où la modernité d’une discipline saura se reconnaître, mais la philosophie de l’histoire que Cassirer lui prête, après 1920, pourrait rattacher cet historien de la retroversion à la post-modernité [18] ».

Voilà encore des ouvertures vers d’autres termes qui alimentent notre réflexion sur les deux créateurs nous intéressant ici et qui témoignent des paradoxes de la notion de « modernité ». Cette complexité terminologique a déjà été signalée, notamment par un travail comme celui d’Antoine Compagnon [19]. L’enjeu de notre propos serait de dire que chez Godard et Zorn, la modernité des penseurs allemands ici convoqués reste active, méthodologiquement comme esthétiquement. Celle-ci les émanciperait de l’idée d’un repli des formes sur elles-mêmes ou d’un strict dépassement de celles qui seraient épuisées, caractérisant parfois le « postmoderne ». Il fallait donc le détour vers les pensées de Benjamin, Bloch et Warburg pour s’équiper d’outils théoriques face à l’étude de leurs œuvres.

 Images de Jean-Luc Godard, matières sonores de John Zorn (ou vice-versa)

Il convient de noter que dans le cadre du cinéma, l’idée de « modernité » s’envisage d’une manière particulière, le mot connaissant encore d’autres aventures critiques (et Jacques Aumont aura pu en cibler les contradictions [20]). Saisir cette manière nous permet d’essayer de situer l’œuvre de Godard et nourrit encore une fois notre approche de celle de Zorn. Bien des aspects de l’ouvrage de Dominique Païni, Le cinéma, un art moderne (1997), dont les références rejoignent allégrement les nôtres, résonnent avec nos considérations. La fascination qu’il dit éprouver devant un film qui parviendrait à faire correspondre l’univers qu’il développe et la logique mécanique au fondement même du cinéma ne peut être que répétée ici, tant elle décrit l’expérience que consiste l’écoute du « Godard » de John Zorn aussi bien que la vision d’une œuvre du réalisateur : « J’ai souvent été sidéré par ce qui dans un film, que ce soit du point de vue purement narratif ou simplement optique, renvoyait à la nature même du cinéma et plus précisément encore, à son essence la plus mécanique : le battement résultant du défilé des photogrammes [21] » dit-il, ajoutant que la force des représentations qui restitueraient la dialectique du continu et du saccadé qui anime cette essence serait plus haute encore : « Et plus souvent encore lorsqu’un film évoquait cette unité contradictoire de la continuité et de la discontinuité qui anime la représentation cinématographique. Continuité de l’enchaînement des images et discontinuité de leur succession [22] ». Cette question de la tension féconde entre unité et fragmentation, alimentée par les spécificités d’un appareil et des liens à la machine, est au cœur du processus formel de John Zorn. Dans ses notes disponibles sur la réédition de la pièce sur le disque Godard/Spillane (Tzadik, 1999), celui-ci écrit :

Quand une seule composition contient des bruits, des improvisations dirigées, des passages écrits et une multitude de formes musicales, le problème de l’Unité devient particulièrement intéressant. L’Unité au sujet d’une composition signifie que chacun des moments présents a une raison d’être là, que chaque son peut être justifié au sein du système global. Utiliser un sujet dramatique (Godard, Spillane, Duras, Duchamp, Genet) comme un dispositif unificateur fut pour moi une révélation. Cela m’assurait que tous les moments musicaux, indépendamment de leurs formes ou de leurs contenus, seraient maintenus entre eux d’une certaine façon dans leur rapport avec la vie ou l’œuvre du sujet [23].

Les propos du compositeur riment avec le perpétuel entrelacement du fragmentaire et de l’unifié évoqué plus haut au sujet de la machine-cinéma et donnent une image exemplaire à la fois de sa méthode et de ses considérations esthétiques. Les motifs, les éléments, les « moments », si disparates soient-ils, peuvent s’accorder, prendre corps, faire œuvre et donner forme. Il y aurait une lecture philosophique et politique possible de cette manière d’envisager l’événement musical, où l’on s’attacherait à imaginer les correspondances avec la pensée de la communauté de Jean-Luc Nancy et de son essentielle et dialectique accointance du singulier et du pluriel (voir la Communauté désœuvrée, 1986, ou Être singulier pluriel, 1996). Et lorsque l’on sait que John Zorn ouvre son « Godard » par un emprunt, prononcé de sa propre voix, rendue quelque peu monstrueuse, au personnage interprété par Jean-Paul Belmondo dans Pierrot le Fou (1965) – personnage double s’il en est, portant le nom de Ferdinand mais se faisant nommer Pierrot –, on achève de se convaincre de la richesse de telles relations. « J’ai une machine pour voir qui s’appelle les yeux, pour entendre les oreilles, pour parler la bouche, j’ai l’impression que c’est des machines séparées. Il n’y a pas d’unité, je devrais avoir l’impression d’être unique, j’ai l’impression d’être plusieurs » entonne ainsi lui-même le compositeur. « Sujet dramatique », « dispositif unificateur », Godard est une figure tutélaire incarnant l’une des voies de la « modernité » cinématographique, en particulier de par son utilisation du montage, le liant pleinement avec l’esthétique de Zorn. « Modernité » de Godard qui nous semble à la fois restituer celle aux fondements machiniques du cinéma dont parle Païni et véhiculer celle de la vague des nouveaux cinémas émergeant dès l’aube des années soixante, en jouant sur la fragmentation, les sauts, les brisures.

C’est précisément sous l’augure de la « rupture » que Gilles Deleuze évoque « le premier aspect du nouveau cinéma », celle de ce qu’il nomme le « lien sensori-moteur (image-action) », au centre de son premier volume philosophique consacré aux images en mouvement (Cinéma 1, L’image-mouvement, Minuit, 1983), « et plus profondément du lien de l’homme et du monde (grande composition organique) [24] ». Le nom de Godard, encore une fois crucial, est rapproché d’une notion passionnante, celle de l’interstice.

Car, d’abord, la question n’est plus celle de l’association ou de l’attraction des images. Ce qui compte, c’est au contraire l’interstice entre les images, entre deux images : un espacement qui fait que chaque image s’arrache au vide et y retombe. La force de Godard, ce n’est pas seulement d’utiliser ce mode de construction dans toute son œuvre (constructivisme), mais d’en faire une méthode sur laquelle le cinéma doit s’interroger en même temps qu’il l’utilise […]. C’est la méthode du ENTRE, “entre deux images”, qui conjure tout cinéma de l’Un. C’est la méthode du ET, “ceci et puis cela”, qui conjure tout le cinéma de l’Être = est [25].

Ce mot d’interstice convoque l’héritage de tous les penseurs cités plus haut qui nous permettent d’affirmer le montage comme un paradigme esthétique de la modernité  : Benjamin, Bloch et en particulier Warburg. Dans ses grandes planches noires, l’ « espace entre » toutes les images rassemblées parcourant l’Histoire de l’art et se voyant alors confrontées pourrait bien porter ce nom. Le « Et » est bien visible, sensible, dans l’Atlas Mnémosyne car l’expérience de la collision fait bien partie du processus de réflexion, comme il est audible dans la juxtaposition des parties de l’œuvre de Zorn. Et pour l’historien et le compositeur comme pour le cinéaste, cela catégorise une méthode de construction de l’œuvre et un rapport esthétique entretenu avec celle-ci. L’« Un » est conjuré (« Il n’y a pas d’Unité »), mais l’assemblage fait sens, dans les images de Godard comme dans les sons de John Zorn. Un exemple centré sur un film du réalisateur nous permet de justifier pareilles propositions d’accointances.

Fig. 3a

Fig. 3b

Fig. 3c

Fig 3a, 3b, 3c : Photogrammes tirés du film Les Carabiniers (1963, Fr-It), réalisé par Jean-Luc Godard (1930-…), scénario de J.L Godard, R. Rossell

C’est dans Les Carabiniers (1963) que l’on propose d’aller fouiller afin de mettre en lumière ces idées. D’une part puisque selon les dires de Jean Rochard c’est bien la première période du cinéaste qui a influencé John Zorn à l’époque de la création [26], d’autre part parce qu’on y déniche des moments aussi évocateurs que savoureux pour illustrer nos propos. Une scène nous offre la visibilité et l’audition de ce « Et » : les protagonistes centraux du film, nommés Michel-Ange et Ulysse rapportent à Vénus et Cléopâtre, dans leur baraquement quelque peu branlant qui leur sert de foyer, tous les « trésors du monde » issus de leur conquête fabulée. « Dans cette valise, il y a des surprises » entonnent les deux individus, vêtus de costumes de soldats quelque peu rapiécés, composés d’un « mélange disparate d’uniformes divers : casquette d’officier tsariste, veste de contrôleur de tramways italiens, bottes de partisan yougoslave, etc. [27] » (ce qui entre totalement en adéquation avec notre propos sur le montage, voir Fig.3a). Sur le son extra-diégétique d’une caisse claire aux accents militaires, ils extraient de leur besace de multiples photographies ou cartes postales représentant monuments, transports, œuvres d’art ou merveilles de la nature. Commence alors l’énumération ordonnancée en parties de toutes ces choses qui composent le monde que les carabiniers prétendent désormais posséder. « De l’ordre et de la méthode » pour annoncer les trouvailles récoltées, comme leur professait leur chef, qui même dans la mort « le disait encore ». L’échange autour du décès de celui-ci lance une musique à tonalité funèbre jouée à l’orgue, qui va et vient au cours de la scène, et fonctionne comme un contrepoint doté d’une certaine ironie. « Premièrement l’Antiquité… Le Parthénon… Le Colisée… Deuxièmement le Moyen Âge », entonnent les individus. Le cadre centré sur la table où sont jetées les images revient régulièrement (voir Fig. 3b), entre des temps où Godard joue avec la gestuelle ou le visage de ses acteurs, créant des analogies amusantes : ainsi devant la tour de Pise, les personnages, tour à tour, dans un plan serré entre taille et épaule, inclinent leur visage face à l’image (voir Fig. 3c). Loin d’être anecdotique, la scène dure près d’une dizaine de minutes, finissant dans un hurlement commun de prénoms féminins (recherchés afin de remplacer celui de la Reine d’Égypte Cléopâtre, puisque, faisant également partie de leur conquête et son nom étant déjà pris par l’habitante de la maison, elle ne peut garder le sien) alors que la caméra s’amuse de zoom et dézoom répétés. Ce moment du film correspond à de nombreux égards au portrait de Godard en acousticien que dresse Louis-Albert Serrut, transformant son public en « audio-spectateurs » et ce à l’aide de multiples figures esthétiques repérables. « Narrateur, répétition, dialogue décalé, dispute amoureuse, blason, maxime, citation réversion, ce sont des expérimentations de récit sonore que teste Jean-Luc Godard [28] » écrit-il à partir d’À bout de souffle (1959). Les matières sonores déployées dans la scène qui nous intéresse sont composées de la succession de ces divers noms scandés, créant une sensation rythmique mêlée aux bruits « naturels » et à des incursions musicales extra-diégétiques, caisse claire et orgue comme évoqué plus haut, ou encore irruption fantomatique d’une gamme de do majeur effectuée sur un piano laissant les notes résonner longuement. Et entre chaque photographie déposée, chaque nom prononcé, se crée comme un perceptible « espacement qui fait que chaque image s’arrache au vide et y retombe » selon la belle formule deleuzienne. Le philosophe, décrivant la méthode de Godard de « constructiviste », rappelle par ailleurs les liens qu’entretient le réalisateur avec l’avant-garde cinématographique russe, et ce, depuis (au moins) les Carabiniers (en plus de la scène ici décrite il faudrait évoquer celle où le Cuirassé Potemkine (1925) est ouvertement cité) et jusqu’aux films les plus récents (où le nom d’Eisenstein est régulièrement prononcé). Tous ces éléments disparates qui s’assemblent dans une entité commune rappellent la problématique de l’« unité » posée par John Zorn ; tous ces motifs qui se joignent, ces jeux avec le fragmentaire, cette pensée du « ET » qui rend sensibles les interstices, les raccords, les passages, créant en même temps une scène identifiable comme telle, résonnent avec l’œuvre du compositeur.

Dans la préface d’Hubert Damisch à l’ouvrage de Dominique Païni, celui-ci évoque la notion de tempo de l’image, et insiste sur le mot de « beat (comme on le dit de celui de jazz) » :

Beat des images telles qu’elles se succèdent sur l’écran, beat des plans et des séquences, beat du montage ; beat du noir et du blanc, de l’éclat de la lumière et de son éclipse ; mais beat aussi bien, des associations auxquelles prête la vision elle-même répétée d’un film, beat des interférences et des ruptures de niveau qu’elle induit ; beat du temps jusque dans ce que celui-ci peut avoir, paradoxalement de “désynchro” ; beat de l’histoire jusque dans ce que le terme peut avoir aujourd’hui d’anachronique, et l’idée, de proprement infigurable [29].

L’image semble donc pouvoir être pensée par un vocabulaire musical, et la modernité du cinéma serait également une affaire rythmique : celle du montage aussi bien que celle perceptible au sein même des plans ou des séquences elles-mêmes, celle de la lumière ou des couleurs, celle de l’acte du regardeur. Il est intéressant de faire un détour par l’analyse musicologique que John Brackett nous propose de « Speedfreaks » (présent sur l’album Torture Garden, 1990), une pièce courte inscrite dans le répertoire du projet Naked City, pour considérer le beat comme un aspect fondamental de la musique zornienne, malgré tout ce que le ressenti de « déconstruction » donné par la confrontation de moments musicaux disparates pourrait laisser croire. Comme l’indique l’auteur dans son ouvrage consacré au compositeur et musicien, « Speedfreaks » est l’un des exemples les plus « extrêmes » du style « jump-cut » de John Zorn [30] (cette qualification stylistique ne pouvait, par ailleurs, n’être qu’enthousiasmante à l’égard d’un rapprochement opéré avec Godard, tant le montage d’À bout de souffle compte à ce sujet). En effet, passant d’un genre à l’autre – Noise, Rockabilly, Hardcore, Reggae… – le morceau est entièrement fait de sauts saisissants (et l’on ne cesse de penser à ce « Et » deleuzien). Mais ceux-ci sont bien déterminés par une logique réfléchie : quand bien même la signature rythmique change allègrement – 1,2,3,4,5,6,7/4 avec une mesure en 3/8 – la pulsation est conservée tout au long de la pièce. Brackett va encore plus loin dans sa réflexion sur la question de continuité au sein du morceau, voyant dans celui-ci une structure en AABA jusque dans son organisation harmonique, même si bien entendu elle est manipulée et reconfigurée [31].

Dans ce montage de matières sonores hétérogènes, l’unité du beat permet de faire sens au sein du « système global ». Et lorsque nous nous confrontons à l’œuvre de John Zorn, nous pourrions inverser la proposition de Damisch et voir des images dans le jeu rythmique et musical de la pièce. Les modalités du cinéma ont bien imprégné le compositeur jusque dans sa méthode de travail. À cet égard, il est intéressant de constater que dans l’ouvrage Arcana, Musicians on Music, fait de multiples contributions (de Bill Frisell, Marc Ribot ou Fred Frith), qu’il a lui-même édité, sa propre proposition est intitulée « Treament for a Film in Fifteen Scenes » et se compose de lignes numérotées audio-visuellement évocatrices (« Monkey In a Zoo » précède par exemple « Rocking Chair », juste avant « Dancing People »). « Godard » autant que « Spillane » reflètent cette accointance : la manière de les concevoir comme des « file-card compositions » est bien exemplaire du montage cinématographique. Zorn décrit ce procédé, qu’il dit être utilisé par des cinéastes comme Hitchcock, Welles, Lang ou Lynch [32] et inspiré par le metteur en scène Richard Foreman (qui fera par ailleurs la narration anglaise dans « Godard »), comme « pratique et versatile ». Issues d’une « période de recherche intense – lire des ouvrages, écouter de la musique, voir des films liés au sujet choisi », « les idées musicales et dramatiques sont griffonnées sur des cartes. Ces cartes sont ensuite passées au crible, ordonnées, étoffées à l’aide de passages écrits, de mélodies, de fragments et d’idées d’orchestration. Le groupe est ensuite choisi et emmené au studio d’enregistrement [33] ». Ces bouts de compositions assemblés sont à l’origine de l’esthétique du montage et de la fragmentation à l’œuvre dans « Godard » autant que dans « Spillane ».

Imaginairement, ces cartes mises bout à bout, œuvrant pour donner corps à une entité finale, rappellent la forme des pages de l’Atlas d’Aby Warburg (et par la même occasion la scène des Carabiniers décrite plus haut). Le rapprochement effectué n’est pas fortuit : le montage opéré par Zorn comme par Godard n’aurait-il pas un lien avec la méthode historique de l’iconologue ? Ne pourrait-il pas témoigner des enjeux esthétiques d’une certaine manière de concevoir la notion de modernité, y compris dans notre situation contemporaine ? Ce sont ces questions que nous esquissons en guise de conclusion.

 Conclusion : Histoire(s) de John Zorn

Dans l’épilogue de son livre, John Brackett propose un dernier qualificatif pour décrire le créateur protéiforme : « John Zorn est un grand nombre de choses : compositeur/improvisateur, saxophoniste, producteur, propriétaire de club, directeur de label. Parmi les nombreuses autres descriptions que l’on pourrait inclure dans cette liste, au moins une chose devrait être ajouté : John Zorn, historien [34] ». On ne peut qu’être convaincu par le propos en lisant l’analyse que propose l’auteur du rapport constant qu’entretient Zorn avec les formes « traditionnelles » (comme celle des musiques issues de la culture juive) ou en lien avec des œuvres et des artistes passés (comme celle de Stravinsky dans une œuvre destinée à la mémoire de Francis Bacon : voir la comparaison du « Misterioso » de Zorn et du « Tuba Mirum » de Stravinsky [35]), s’exprimant dans une tentative perpétuelle de reconfiguration et de renouvellement. Notre hypothèse développée ici s’accorde avec celle du musicologue. La modernité de John Zorn nous semble réinvestir celle éprouvée par les pensées allemandes de la première moitié du XXe siècle, celles de Benjamin, de Bloch et de Warburg, pour qui l’esthétique du montage était ancrée dans une réflexion sur l’Histoire. Il en va de même pour Jean-Luc Godard. Ainsi on ne s’étonnera pas que le compositeur-historien livre cette remarque : « Sa dernière série Histoire(s) du cinéma est pour moi le sommet de son travail en tant que philosophe/cinéaste [36] ».

Il y a en effet, au sein du « Godard » de Zorn comme dans les Histoire(s) du cinéaste, une même propension à travailler la surimpression (un son se fond dans un autre chez l’un, une image s’enlace à une autre chez le second), à confronter des « passés cités [37] » à des situations contemporaines (depuis les larmes d’Anna Karina devant le Jeanne d’Arc de Dreyer dans Vivre sa vie (1962) jusqu’à l’utilisation de chansons enregistrées – de Dutronc, Gainsbourg et Birkin ou Billie Holiday – et les réponses musicales qui leur sont données dans « Godard »), Jean-Luc Godard et John Zorn font du montage une méthode pour tirer le transitoire vers l’éternité, l’historique vers le poétique, proposant une expérience esthétique à contre-temps de la « liquidité » de la situation contemporaine, de son « flux incessant de la mobilité et de la vitesse [38] » d’un présent continu en quête de consommation effrénée, et face à tout fatalisme diagnostiquant la stricte fin des formes et le dépassement de la modernité.




Notes


[3Rochard, 2013, p. 31.

[4 Ibid.

[5Arendt, 1983, p. 315.

[6Ces idées résonnent avec celles de Jean-Louis Comolli et de Philippe Carles : « C’est que, comme le bop et plus nettement encore, le free jazz n’est pas seulement remise en question, au plan musical, des formes et styles qui le précèdent historiquement : son action déborde ce champ strictement musical pour concerner les champs culturels et idéologique. », Carles et Comolli, 2000, p. 49.

[7Benjamin, 2000a, p. 390.

[8Benjamin, 2000b, p. 300.

[9 Ibid, p. 301.

[10Comme en témoigne la célèbre phrase finale : « Voilà, l’esthétisation de la politique que pratique le fascisme. Le communisme y répond par la politisation de l’art », Ibid, p. 316.

[11Benjamin, Paris, capitale du XIXe siècle, cité in Didi-Huberman, 2000, p. 121.

[12Didi-Huberman, 2000, p. 242.

[13Bloch, 1978, p. 9.

[14 Ibid.

[15Didi-Huberman, 2000, p. 134.

[16 Ibid.

[17Voir notamment Warburg et Binswanger, 2011.

[18Pinto, 2003, p. 10.

[19Compagnon, 1990.

[20« À propos du cinéma, cela a même été une notion plus brouilleuse qu’autre chose, et la définition qui en a dominé un certain temps en France m’a toujours semblé étrange », Aumont, 2014, pp. 219-220. Voir aussi Aumont, 2007.

[21Païni, 1997, p. 19.

[22 Ibid.

[23« When a single composition contains noises, guided improvisations, written passages and a variety of genres and unnotable musical shapes, the problem of UNITY becomes particularly compelling. UNITY in a composition means that each and every moment has a reason for being there, and that every sound can be explained within a system. Using a dramatic subject (Godard, Spillane, Duras, Duchamp, Genet) as a unifying device was a revelation. It insures that all the musical moments, regardless of form or content will be held together by relating in some way to the subject’s life or work. », Zorn, 1999, ma traduction.

[24Deleuze, 1985, pp. 125-126.

[25 Ibid., p. 234.

[26Voir Rochard, 2013, p. 31.

[27Godard, 1985, p. 66.

[28Serrut, 2011, p. 73.

[29Hubert Damisch, « Préface », in Païni, 1997, p. 12.

[30Brackett, 2008, p. 24.

[31« It appears that, with “Speedfreaks”, Zorn treats the generic harmonic aspect of the AABA form as sort of template that can be manipulated and reconfigured. Still, it is this formal constraint (and the harmonies that assist in defining this particular form) which reins in and guides the overall design of “Speedfreaks” and provides the limits of formal prohibitions that the musical surface tries to – but ultimately cannot – break through », conclut John Brackett, ibid, p. 26. Voir également la partition de la pièce, p. 25.

[32Zorn, 1999.

[33 Ibid.

[34« John Zorn is a number of things : composer/improviser, saxophone player, producer, club proprietor, and record label owner. Among the many other descriptions that could be included on this list, at least one more must be added : John Zorn, historian », Brackett, 2008, p. 156, ma traduction.

[35 Ibid, pp. 125-146.

[36« His latest series Histoire du Cinema is for me the pinncacle of his work as philosopher/filmmaker », Zorn, 1999, ma traduction.

[37En référence à Didi-Huberman, 2015.

[38En référence à Bauman, 2013.




Auteur(s) - Autrice(s)


Après un mémoire en études cinématographiques portant sur les « Images en survivance du cinéma chinois contemporain : Wang Bing, Zhao Liang, Jia Zhang-Ke » rédigé en 2012/2013, mon parcours se poursuit par une thèse financée par un contrat doctoral à l’Université de Strasbourg, débutée en octobre 2013 intitulée : « Images du monde morcelé : poétique du deuil et principe-espérance des cinémas des temps contemporains ».
Tout en continuant à travailler sur les cinémas chinois ( « De la mélancolie à la colère, variations autour des espérances en Chine contemporaine », Congrès Afeccav, Lyon, 3-5 juillet 2014) mes précédents travaux ont exploré l’œuvre de plusieurs cinéastes, à partir des pensées des auteurs inhérents à ma recherche centrale, en particulier Ernst Bloch : Théo Angelopoulos (« Raconter l’Histoire à travers les ruines : formes épiques, anachronismes et survivances dans Le Regard d’Ulysse », Journée d’études l’Epos à l’écran, CELIS, Clermont-Ferrand), Amos Gitaï (« Images des espérances du cinéma d’Amos Gitaï : des horizons possibles aux ruines des utopies d’un monde commun », article pour la revue Implications philosophiques, en septembre 2014) ou Dušan Hanák (« Dušan Hanák’s Paperheads (1995) : Heritage of a collapsed world : Collecting, editing, thinking the ruins of this time », communication lors du colloque How I Spent the End of the World organisé du 23 au 25 octobre 2014 au Centre Marc Bloch de Berlin).


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Pour citer l'article


Raphaël Szöllösy : « Godard/Zorn : Montage(s), réflexions sur quelques enjeux esthétiques de la modernité » , in Epistrophy - Jazz et Modernité / Jazz and Modernity.01, 2015 - ISSN : 2431-1235 - URL : https://www.epistrophy.fr/godard-zorn-montage-s-reflexions.html // Mise en ligne le 17 octobre 2015 - Consulté le 5 avril 2024.

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