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Appel à contributions n°3 : Conflits

 

Coordination : Joana Desplat-Roger, Thomas Horeau, Édouard Hubert




Conflits

Ce nouveau numéro d’Epistrophy propose de considérer le jazz à travers le prisme des conflits qui ont jalonné son histoire et informé son identité. Qu’il s’agisse des joutes ludiques et des confrontations symboliques mises en jeu dans la performance ou des divergences esthétiques, des désaccords théoriques, des oppositions idéologiques et des luttes sociales, politiques et identitaires qu’elles ont embrassés ou suscités, les expressions jazzistiques s’inscrivent dans des dynamiques conflictuelles dont la diversité des enjeux constituent autant d’entrées dans la réflexion pluridisciplinaire que la revue entend mener.

Ces innombrables discordes peuvent se décliner en trois ensembles thématiques :

  • Les conflits de la réception et de la critique.

Cet ensemble thématique recouvre notamment les conflits ayant trait à l’identité même du jazz et aux pratiques musicales et spectaculaires que le vocable recouvre. Au-delà des querelles d’exégètes sur l’origine du terme, on peut s’interroger sur la raison d’être des conflits virulents qui ont opposé les artistes et les critiques sur ce qui relève ou non du jazz, ce qui atteste son authenticité, sa « pureté », ou ce qui, au contraire, apparaît comme un signe de corruption et de décadence.

La virulence de ces conflits tient au moins autant à la complexité du phénomène qu’à la violence de l’histoire politique et sociale dans laquelle il s’inscrit. Loin de se réduire à des querelles de chapelles, ces désaccords témoignent souvent de prises de positions idéologiques, où l’on retrouve des débats fondamentaux de la pensée contemporaine que sont, par exemple, le dépassement des dichotomies de l’esthétique moderne, l’élaboration d’une théorie postcoloniale et la critique post-moderne des Lumières. À travers l’exemple des confrontations théoriques sur le jazz c’est donc la valeur dialectique du conflit qu’il s’agit d’interroger.

Quels sont les véritables enjeux des grandes controverses de la critique et de la théorie du jazz ? Qu’en est-il de ces conflits aujourd’hui ? Sont-ils résolus ? Ont-ils fait place à de nouveaux antagonismes ? Quels conflits suscitent aujourd’hui l’analyse du phénomène ? La spécificité de l’objet jazz a-t-elle contribué à l’élaboration de nouveaux outils d’analyse ?

Ce premier point invite ainsi à une réflexion historiographique sur les différents courants de la critique, et à une analyse des rapports entre l’état de la connaissance et les dynamiques conflictuelles qui animent le champ théorique.

  • Les conflits historiques, sociaux et identitaires.

Ce second ensemble thématique concerne les conflits que les artistes de jazz ont traversés ou qu’ils ont évoqués à travers leurs œuvres. On posera ici la question de l’influence et de la visibilité des rapports de forces internes au champ artistique. Les relations conflictuelles que les artistes entretiennent entre eux ou avec les institutions et les instances de productions ont eu, et ont toujours, un impact déterminant sur la production artistique. De la fameuse grève initiée en 1942 par l’American Federation of Musicians qui a contribué au déclin des big bands, à l’organisation en 1960 du festival alternatif Newport Rebels en réponse à la dérive mercantile de la fameuse institution, jusqu’au conflit des intermittents qui divise la « communauté » des artistes du spectacle vivants en France depuis une vingtaine d’années, l’histoire du jazz est jalonnée d’actions militantes dont les répercussions sont aussi considérables que méconnues. Par définition, un conflit implique un désaccord ou une divergence d’intérêt et une confrontation réelle ou symbolique dans l’espace social.

Qu’en est-il des conflits qui animent le monde du jazz ? Quelles tensions les motivent ? Quelles formes prennent les affrontements et sur quelles scènes ont-ils lieu ? Quels instruments les artistes mobilisent-ils pour soutenir leurs luttes ? Comment cela affecte-il la production musicale ?

— Au-delà de ces affrontements qui travaillent le champ artistique de l’intérieur, le jazz est en prise avec des conflits historiques et politiques non moins déterminants. Bien que les rapports entre l’évolution du jazz et la lutte politique des Africains-Américains et son rôle dans les deux guerres mondiales aient fait l’objet d’abondants travaux, de nombreuses zones d’ombre demeurent encore et certains épisodes ont acquis une dimension légendaire qui ne facilite pas leur appréhension. Ainsi des révolutions be-bop et free dont le caractère politique fait toujours débat. À ce titre, les travaux visant à documenter et à réinterpréter les moments cruciaux de l’histoire du jazz, et les communications portant sur les œuvres qui, à l’instar des Fables of Faubus de Charles Mingus ont délibérément mis en scène des conflits politiques, seront les bienvenues. On pourra également s’intéresser à des phénomènes moins saillants tels que le combat des féministes noires exemplairement incarnées par des artistes comme Abbey Lincoln et Jeanne Lee.

  • Conflits en jeu

Ce troisième ensemble s’intéresse aux dynamiques d’affrontements mises en jeu dans la performance musicale.

La pratique du jazz elle-même a parfois reposé sur ce qu’on pourrait appeler un « conflit pacifié » : en effet les musiciens semblent s’affronter, du moins symboliquement, grâce à divers procédés (question/réponse, interaction, etc.) qui ont également pu prendre la forme de joute musicale explicite comme les cutting contests lors de jam-sessions.

Mais quel est le sens de cette joute ? Quel est l’enjeu de cet affrontement ? Comment la dimension agonistique du jeu jazzistique se manifeste-t-elle dans les pratiques contemporaines ? L’imagerie des joutes musicales chère à la critique correspond-elle à une réalité pour les artistes selon les époques ou les styles ? L’affrontement est-il toujours symbolique et ludique ou incarne-t-il des animosités bien réelles ?

Si l’on en croit Paul Berliner [1] , il existe de nombreux procédés musicaux pour manifester de l’hostilité à un musicien mais il convient sans doute d’évaluer à quel point ces pratiques sont courantes et de quelles manières elles servent ou non la musique. Le fonctionnement des groupes de jazz a souvent été érigé en modèle d’organisation sociale harmonieuse. L’analogie est séduisante, mais pour être convaincante, elle doit s’enrichir d’une réflexion sur la place que ce modèle accorde au conflit.

§§§

Les exemples de « conflits du jazz » sont nombreux, et c’est pourquoi les pistes évoquées ici n’ont pas prétention à épuiser le sujet. Elles visent seulement à nous faire réfléchir sur le rapport du jazz aux conflits qui l’animent, et supposent en arrière fond la question suivante : est-ce le jazz en lui-même qui porte une nature proprement conflictuelle, ou bien ces conflits sont-ils créés par le champ théorique qui le questionne ? Autrement dit, doit-on considérer qu’il existe un réel chiasme entre différents jazz, ou ces controverses sont-elles le résultat d’une tentative d’appropriation par ceux qui cherchent à le comprendre ? L’enjeu étant de savoir si une recherche interdisciplinaire et apaisée sur le jazz, telle que la voudrait Epistrophy, est véritablement possible…

Les perspectives esquissées ici en appellent à tous les champs disciplinaires. Les articles devront proposer une réflexion sur un/des conflits en jeu dans le jazz. Les propositions d’article peuvent prendre différentes formes mais les axes suivants sont prioritairement visés :

  • Histoire et actualité des conflits autour de la réception et de l’analyse du jazz
  • Le jazz comme expression de luttes sociales, politiques et esthétiques
  • Les conflits entre les acteurs du champ jazzistique
  • Les affrontements (pacifiques ou non) au cœur de la pratique performative du jazz : jouer « contre » et/ou « avec » son adversaire / son rival / ses partenaires

Modalités de soumission

La date limite de réception des propositions d’article est fixée au 01 septembre 2017. Elles doivent être adressées à l’adresse epistrophy@epistrophy.fr

Les propositions doivent comporter :

  • un titre
  • une proposition d’article d’environ 3000 signes
  • une bibliographie succincte
  • une courte bio-bibliographie de l’auteur.e

Le comité éditorial de la revue sélectionnera les propositions et en informera les auteurs au plus tard le 01 octobre 2017.

En cas d’acceptation de leur proposition, les auteurs s’engagent à envoyer leur article complet au plus tard le 01 janvier 2018 pour une publication du numéro en juin 2018. Les articles seront évalués en double-aveugle par le comité de lecture.

Les articles attendus sont d’un format de 30 000 signes maximum (sans espaces, notes et bibliographies non comprises), peuvent comprendre des photos, de la musique et / ou des vidéos en fichiers séparés, selon les normes indiquées dans la charte.




Notes


[1Berliner, Paul, Thinking in Jazz : The Infinite Art of Improvisation, Chicago, University of Chicago Press, 1994, p. 463.





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